Diabète & Psychologie part III : la charge mentale

QUOTIDIEN

On termine cette série d’articles avec « La charge mentale ». Comme les deux précédents, cet article a été réalisé en collaboration avec Line Dumasdelage, qui est psychologue et aussi diabétique de type 1. (Petite présentation en fin d’article)

Je vous laisse parcourir les thèmes, dans lesquels vous trouverez à chaque fois la vision de Line selon mes mots, ainsi que mes propres interventions, en gras italique.

N’hésitez pas à me faire vos retours. Si cela vous a touché, interpellé, ou si au contraire, vous ne vous êtes pas reconnus dans cet article et pourquoi.

Je parle de la découverte de notre Diabète. Un grand sujet plein d’émotions, une étape très importante, et un tout nouveau monde qui se force à nous.

Que ce soit le traitement en lui-même, où tous les dispositifs avec lesquels on doit vivre au quotidien, le Diabète change notre image de nous.

Et comment aborder le Diabète sans mentionner la fameuse charge mentale. Une nouvelle vie, organisation, responsabilités… et inquiétudes.

La charge mentale

Nous avons abordé l’annonce du Diabète, riche en émotions, puis l’altération de l’image de soi, pleine de rebondissements. Parlons à présent de la charge mentale.

Car en vérité, nous n’avons jamais l’esprit complètement libre. Et comme pour un ordinateur, nous avons un programme qui tourne en permanence en « tâche de fond ». Sans que l’on s’en rende compte forcément. Mais c’est toujours là, quelque
part.

Définition de la charge mentale

Dans le cadre du Diabète de type 1, on parle de charge mentale pour faire allusion à toutes les responsabilités, les actions, décisions, inquiétudes et angoisses auxquels peut faire un DT1.

Bien qu’aujourd’hui très digital, le Diabète n’est pas une application que l’on peut mettre en sourdine. On y pense à chaque seconde de notre existence.

Le Diabète, invisible mais si présent

C’est souvent ce que les non initiés au Diabète de type 1 ne comprennent pas : il n’y a jamais de répit.

Lorsqu’on se lève, la première chose que nous faisons est bien souvent de checker notre taux de sucre. Il détermine d’ailleurs notre humeur de la journée, c’est un moment important. Lorsqu’on mange, on pense à nos glucides et à la réaction de nos courbes de glycémie face à ce qu’on a choisi de manger. Avant, pendant et après une activité sportive, on se demande si on va faire une hypo ou une hyper. Dès qu’on a soif ou envie d’aller aux toilettes, on vérifie si ce n’est pas causé par une hyperglycémie… Quand on a un coup de mou, notre premier réflexe et de se demander si on va avoir besoin d’un resucrage. Au moindre sport un peu brusque, ou choc sur notre corps, on doit protéger notre matériel médical et vérifier que tout est resté en place.

 

Une constante remise en question

Et au-delà de toutes ces actions, il faut comprendre que le Diabète est quelque chose qui vit au rythme de notre corps, et donc de notre vie. Rien, absolument RIEN n’est inscrit dans le marbre. Si vous avez réagi de telle ou telle façon avec un repas, cela ne veut pas dire que vous réagirez de la même manière le lendemain, même si vous reproduisez tout à l’identique. Les besoins changent, et il existe toujours dix mille paramètres à prendre en compte et qui peuvent influencer votre glycémie.

Bien sûr, connaître la base du traitement est essentiel, et si vous avez une certaine routine, cela peut aider. Mais ne comptez pas sur votre Diabète pour vous faciliter la tâche. Chaque jour peut chambouler tout ce que vous saviez et pensiez maitriser jusqu’alors.

Expérimenter, encore et encore

Et lorsque plus rien ne marche, il n’y a pas trente mille solutions. Il faut expérimenter autre chose. Changer ses réglages, tester une nouvelle méthode. Parfois, on arrive à comprendre ce qu’il s’est passé, parfois (souvent) non. En tous les cas, ne perdez pas de temps à insulter l’univers : allez de l’avant.

La charge mentale peut aussi se définir par cette angoisse de se demander combien de temps ça va durer. Le fameux : « tout va trop bien, il va se passer quelque chose ».

Le poids de la technologie

Depuis l’avènement des capteurs de glycémie, nous sommes constamment sous surveillance. Vous avez sûrement fait partie de ces gens qui se scannent mille fois dans l’heure, et ne peuvent pas s’empêcher de regarder leur glycémie.

Certains réussissent à s’en détacher, d’autres mettent en place des mécanismes de protection pour éviter que tout ce la ne tourne à l’obsessionnel. Enfin, il y a aussi ceux qui se laissent malheureusement emporter dans cet engrenage.

Gisèle : Lorsque je suis passée à l’Omnipod, avec mon Dexcom, je passais toutes mes journées à vérifier mon taux de sucre, et bidouiller les réglages de ma pompe pour réagir en temps réel. Ma vie n’était plus que ponctuée des alarmes de mon capteur. Je ne vivais plus. C’est ce qui m’a conduit au « burn out diabétique. »

Les objectifs sont bien entendu importants dans notre traitement, mais ils mettent une telle pression !

La quête de perfection


Lorsqu’on veut si bien faire qu’on en oublie que nous ne sommes que des êtres humains, nos exigences peuvent nous faire du mal.
Bien sûr, on a tous envie de rester dans la cible glycémique, afin d’être sûrs de rester en bonne santé le plus longtemps possible… Mais nous sommes diabétiques, cela n’est pas toujours possible.

Il est très difficile de trouver un équilibre entre notre désir de réguler notre Diabète et notre envie…de vivre !

Parce que ne vous faîtes pas d’illusion, à moins d’accepter une routine stricte et une alimentation ultra-optimisé, vous ne serez jamais à 1.00 g/L toute votre vie.
//SPOILER ALERT : Même les non diabétiques ne le sont pas…!

Gisèle : C’est pourquoi j’insiste souvent sur le « bien vivre avec son Diabète », ou « vivre heureux avec son Diabète ». Parce que selon moi, l’équilibre mental est tout aussi important que la glycémie, et pour cela, il faudra forcément faire des compromis.

C’est plus facile à dire qu’à faire, mais le mot clé est le « lâcher prise« . Dans le Diabète, comme dans la vie, on ne peut pas tout contrôler. On ne vous dit pas de tomber dans l’excès inverse et de tout abandonner, mais essayons de lâcher prise quand cela est nécessaire. On fera mieux la prochaine fois, et l’important, c’est d’avoir une rigueur globale.

Cacher sa charge mentale

Gisèle : Et puis il y a ceux qui se rajoutent une charge mentale énorme, en essayant de cacher…cette charge mentale, justement. Je pense notamment aux mères de famille, qui ont souvent l’impression que leur famille entière repose sur elles, et qu’elles ne peuvent pas se permettre ce genre de faiblesse. Au conjoint qui ne veut pas embêter, à l’enfant qui ne veut pas prendre de place…

J’ai beaucoup de compassion et d’amour pour ces DT1, et j’espère qu’ils sauront vite être plus bienveillants envers eux-même.

Et vous ? Avez-vous conscience de cette charge mentale et comment la vivez-vous ?

Laissez-nous un commentaire sur Facebook ou Instagram, ou un message privé ! 😉

Line DUMASDELAGE

Psychologue clinicienne depuis 16 ans et DT1 depuis 20 ans, je me suis dit que mixer les deux pouvait être intéressant. J’ai choisi de développer une spécialité « diabète ».

L’annonce de la maladie est un choc qui n’est pas toujours simple à dépasser. La gestion du diabète est un effort plus ou moins important selon qui nous sommes, à quelle période de notre vie nous sommes, le cheminement que nous avons parcouru depuis l’annonce. Toutes ces périodes peuvent être sensibles et amener saturations, doutes, et épuisement.

Un accompagnement peut être bénéfique !