
Quand tout part en sucre
Murphy 1 – Gisèle 0
Quand tout part en sucre

Nul doute que vous la connaissez cette histoire. J’imagine que vous aussi, vous vivez des périodes où le karma semble vous en vouloir personnellement. Tout s’enchaîne, et il devient de plus en plus difficile de rester calme.
Bienvenue dans mes 10 jours de chaos logistique, glycémique, postal et émotionnel.
Prologue :
Conseil : ne vous relâchez pas pendant un déménagement
Tout commence il y a quelques mois, lorsque j’emménage dans ma nouvelle maison. Comme une grande, je prépare une petite valise DT1 pour tenir 20 jours, car la maison est encore travaux et je ne pourrais pas investir ma chambre de suite.
Spoiler : j’ai passé trois mois dans ma chambre d’amis avec 35 cartons en vrac.
Résultat, je pioche dans mes 3 cartons différents au fur et à mesure de mes besoins, sans mettre à jour mes stocks. « Plus tard », « ça va aller »… Je vis ma vie. Jusqu’à ce fameux dimanche.
Le jour où mon transmetteur Dexcom G6 rend l’âme.
Sans prévenir. Pas de message d’alerte en amont. Nada. Juste une alerte « bon chance » un peu brutale.
Je cherche dans mes cartons : pas de transmetteur de secours. Et ce n’est pas tout. Plus de capteurs non plus. Presque plus de cathéters.
Mais 4 boites de réservoirs.
Apparemment, on est nombreux à avoir un tiroir entier de réservoirs. Peut-être un jour aurons-nous le fin mot de ce phénomène, mais ce n’est pas le sujet.

Semaine 1 :
Collissimo de l’enfer
Honteuse et embêtée, je contacte mon prestataire de santé. Nous sommes dimanche, bien sûr. Encore une règle d’or, visiblement. Les galères, c’est toujours le soir tard ou les week-ends. Je mesure ma chance d’avoir des prestataires toujours disponibles et soucieux de m’aider au plus vite.
Un colis d’urgence est prévu pour le lundi matin, avec livraison prévue mardi ou mercredi. Sauf que… mercredi après-midi, rien.
Je rappelle mes prestas. Et là, ils m’envoient l’avis de dépôt : “Le colis a été livré à l’adresse indiquée.” Mais l’adresse… c’était mon ancien logement.
J’avais oublié de faire le changement.
S’ensuit alors une quête absurde, entre appels à mon ancien proprio (occupé bien sûr), traque du numéro du nouveau locataire (j’avais un numéro depuis un raté avec les croquettes de mes chiens, mais il n’est plus attribué!!), et messages vocaux dramatiques pour motiver les troupes.
Je parviens enfin à récupérer le colis.
Je rentre chez moi et dispose tout le matériel sur la table. Et là, angoisse pendant 30 min car je ne retrouvais plus mon téléphone dédié au Dexcom (le bougre s’était glissé entre la portière et le siège de la voiture) Je suis en sueur, mais je suis vivante et je vais enfin avoir ma glycémie !

Jour de répit
… avant l’apocalypse
Je change mon capteur. Il se connecte, il préchauffe. Je suis à 0.88 g/L. Une glycémie si poétique.
Je souffle. J’y crois.Je célèbre ce moment de calme.
Puis vient le lendemain.
Une hyper gigantesque débarque sans prévenir : 4 g/L +++.
J’ai pourtant mangé un repas correct. J’ai fait une correction. Je vais dormir, confiante.
Rien ne redescend.
Je passe la nuit à plus de 4 g/L, nauséeuse, déshydratée, à faire des corrections toutes les trois heures.

Quel dommage de ne réussir une courbe si plate qu’en de telles circonstances…
Après le capteur
…la pompe à insuline
Le lendemain matin, je suis au bout de ma vie. Toujours en méga hyper. Je me dis : « C’est le cathéter. » Je le retire. Et là… je saigne. Le cathéter était bouché.
Au moment de le changer, ma pompe m’échappe des mains et se démonte. Littéralement. Le socle s’ouvre, j’arrête de respirer.
J’essaie de rester calme. Mais la nausée de l’acidocétose me rattrape et je pars vomir.
Lorsque je reviens, je cherche ma pompe de secours. Mais c’est un ancien modèle qui fonctionne avec des piles au lithium.
Sur 12 piles : aucune ne fonctionne.
Certaines ne démarrent même pas, les autres sont déjà faibles.
Si proche du but…

Le retour si craint des stylos
Il est 7h30, je suis en acidocétose, j’ai vomis 3 fois et je suis énervée. Je n’ai pas le choix, je repasse au stylo à insuline, chose que je n’avais pas faite depuis 4 ans.
Mon corps n’est pas fait pour ça. J’ai besoin de débits variables heure par heure, de bolus fractionnés… Bref, je sais que ça sera l’enfer. J’envoie le rapport à mes prestataires, qui m’appellent et envoient un nouveau colis en urgence avec une nouvelle pompe.
Mais on est en plein week-end de Pâques. L’espoir de recevoir ma pompe avant mardi est très mince.
Et là, miracle, le colis arrive le lendemain matin. C’est terminé.
Et sinon,
…les heures miroir ?
Je vous ai dit que je voyais 4 à 6 heures miroir par jour depuis deux mois ? (10:10, 11:11, 12:12, etc.)
Sur mon téléphone, mon four, mon thermostat et aussi dans ma voiture… On dit que cela porte chance. J’ai déjà entendu des gens me dire « Gisèle, les anges te parlent ! ».
Les anges ne me parlent pas, ils me préviennent que ma vie va être un enfer. Ils hurlent depuis des mois !
Je me confie un instant… Depuis 2 mois :
- j’ai découvert que la restanque de mon jardin menace de s’écrouler
- je suis tombée en panne de voiture un vendredi à 20h
- on m’a annoncé qu’un de mes chiens avait un cancer du poumon
Voilà. Si les heures miroir sont réellement l’annonce divine d’un futur évènement merveilleux, qu’il se manifeste maintenant !
Pourquoi
je vous raconte tout ça
Évidemment, comme tout bon français, j’aime me plaindre. Mais au-delà de cela, je trouve que cette semaine, c’est aussi la vôtre. Peut-être l’avez-vous vécu, peut-être la vivrez-vous un jour (je vous la souhaite moins riche quand même)…
Ce genre d’accumulations, ça arrive. Même quand on est organisé. Même quand on connaît tout par cœur.
Parfois, tout part en sucre.
Des soucis logistiques, du matériel défectueux, des arrachages de capteurs ou de cathéters, des allergies, un équilibre glycémique parti en fumée… Ce sont des choses qu’on peut tous·tes vivre.
Et malgré tout, on se relève, on fait ce qu’il faut. On assure. Et, quand c’est terminé, on peut même en rire.