Couverture 2023

spéciale

L’ISPAD est un congrès professionnel autour du Diabète. Ayant rejoint le programme des Dedoc Voices, qui permet aux patients de faire porter leurs voix durant ces grands événements (« Nothing about us without us »), j’ai eu la chance d’assister aux conférences et ateliers.

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La surveillance parentale

CONGRÈS

On continue avec le troisième article de ma série spéciale ISPAD : La surveillance parentale, entre protection de l’enfant et aide à sa prise d’autonomie.

On traite ici d’un sujet Ô combien complexe et universel lorsqu’on est parent d’un enfant diabétique. On s’inquiète tellement pour lui et on doit prendre les choses en main le temps que l’enfant soit en âge de comprendre et s’occuper de son Diabète. Et lorsque cela arrive, soyons honnête, on peine à lâcher prise.

Laya Ekhlaspour

Endocrinologue en service Pédiatrie, Clinicienne scientifique

Le Dr. Laya Ekhlaspour se consacre à la prise en charge des enfants atteints de troubles hormonaux, notamment du Diabète de type 1 et de type 2. Son expertise réside dans l’intégration de la technologie et des approches novatrices telles que les moniteurs de glucose en continu et les systèmes automatisés d’administration d’insuline. Originellement d’Iran, elle est reconnue pour ses contributions en tant que membre de l’American Diabetes Association et d’autres sociétés médicales renommées.

C’est elle qui a dispensé cette conférence aussi riche que passionnante.

Le parent veille à la santé

Lorsque l’enfant est trop jeune, tout passe bien évidemment par les parents. Ce sont eux qui vont pouvoir comprendre et appréhender le Diabète de leur enfant. Le Diabète de type 1 n’épargnant pas les jeunes enfants voir les bébés, beaucoup de parents vont d’abord maîtriser la maladie eux-mêmes, avant de passer le flambeau à leur enfant.

Pendant son enfance, les parents font de leur mieux pour impliquer l’enfant dans la gestion de son Diabète, souvent grâce à des méthodes ludiques et pédagogiques. On prend le temps de lui expliquer sa condition et son traitement, on l’aide à prendre de bonnes habitudes et apprivoiser son Diabète.

C’est une étape importante dans la construction de l’enfant vis à vis de sa maladie. Les fondations de son rapport au Diabète découleront de tout cela. C’est donc un rôle difficile à porter pour les parents, qui doivent à la fois comprendre le Diabète, veiller à la santé de leur enfant, sensibiliser et informer ce dernier, et ne pas transmettre trop de leur stress et inquiétudes non plus.

Difficile de faire mieux

La principale entrave lorsqu’il faut céder le flambeau, c’est qu’il est difficile de faire mieux qu’un parent d’enfant diabétique. De par leur amour inconditionnel, et malheureusement souvent leur culpabilité et envie de prendre le Diabète de l’enfant à leur place, ils sont incroyablement investis et rigoureux dans la gestion du Diabète. C’est un véritable frein, car il sera rare que la prise d’autonomie de l’enfant, à présent adolescent, ne se solde pas par des résultats moins bons.

Il y a donc tout un travail d’acceptation de la part du parent, pour ne pas s’inquiéter à outrance ou culpabiliser l’enfant, qui doit apprendre et expérimenter. Et ceci, tout en garantissant sa bonne santé, que ce soit immédiate ou sur le long terme. C’est souvent à ce moment là que la prise d’autonomie laisse place à la surveillance parentale abusive, et qu’un déséquilibre se forme, empêchant la future autonomie de l’enfant. On parle de surprotection, de contrôle, de pression… Au final, la relation entre le parent et l’adolescent peut être détériorée, et l’HBA1C excellente survit rarement à ces dérapages.

Car dans tous les cas, l’enfant finira par gérer son Diabète seul, que ce soit en douceur, ou par la force, pour le meilleur, ou pour le pire.

Accepter les erreurs

Il est difficile de demander à un parent de regarder son enfant se dépatouiller avec son Diabète, surtout si les résultats s’effondrent. Et pourtant, cette étape est nécessaire dans l’épanouissement et la prise d’autonomie de l’enfant.

Bien sûr, personne ne conseille de lâcher brusquement l’adolescent dans la nature avec son Diabète. Mais ceux qui vivent cette période pourront en témoigner : cette transition est très difficile car l’enfant revendique son droit à la gestion, essayant de sortir le parent de la table ronde des décisions. Pourquoi ? Et bien souvent car l’exigence suggérée par le parent pour maintenir la santé est perçue comme beaucoup trop contraignante par l’enfant, qui souhaite souffler et « vivre sa vie ».

On ajoute à cela le fait que l’adolescence est une période propice à la colère, la rébellion et le refus de l’autorité, et on obtient le cauchemar de tout parent d’enfant diabétique : « Mon enfant ne veut plus me laisser l’aider avec son Diabète, mais il fait n’importe quoi ».

La communication

Dans le cas d’un adolescent diabétique depuis l’enfance, on a la chance d’avoir créé une relation avec les professionnels de santé, qui permettent de faire tampon entre le parent et l’enfant. Leur discours est souvent davantage pris au sérieux par le jeune patient, et cela aide à tirer la sonnette d’alarme en cas de besoin. Le rapport de confiance est essentiel.

Pour les adolescents diagnostiqués récemment, cela peut s’avérer un peu plus complexe. En tous les cas, il est conseillé de favoriser la communication positive.

Plutôt que le contrôle, les reproches, et l’ingérance, surtout en secret, on essaie de favoriser le dialogue, et la collaboration.

Se concentrer sur ce qui marche, ou a marché, pour favoriser ce scénario et ne pas braquer l’adolescent. « Si ça marche, faisons-le plus. Si ça ne marche plus, trouvons autre chose ».

Et la technologie dans tout ça ?

D’après les résultats du groupe témoin, les capteurs de glycémie faciliteraient le transfert de responsabilités.

Tout d’abord, ils permettraient aux parents d’avoir davantage confiance et d’être plus rassurés sur la capacité de leur enfant à gérer leur glycémie. Ensuite, leur utilisation donnerait confiance aux enfants, qui auraient ainsi de meilleurs résultats. Enfin, l’existence d’une fonction « surveillance à distance » est un outil extrêmement rassurant et utile pour les parents ou accompagnants. Il permet un environnement plus sécurisant pour offrir peu à peu de l’autonomie supplémentaire à l’enfant.

En revanche, l’option de surveillance à distance des capteurs de glycémie peut également être un outil favorisant l’hyper-contrôle et la surveillance abusive.

L’inconvénient, en mêlant cet outil et l’ingérance des parents, c’est que les glycémies et tendances sont affichées hors contexte. De ce fait, il peut être inutile et particulièrement désagréable pour l’enfant de recevoir un SMS, un appel ou tout autre type de contact de la part de ses parents, alors qu’il a déjà géré la situation : « tu es en hyper, tu as vu ? », « tu vas faire une hypo, resucre-toi vite », « tu vas bien ? regarde ta glycémie ! ».

Dans ce cas, la technologie peut au contraire être une entrave à l’autonomie de l’enfant, qui se sent constamment surveillé et parfois même jugé ou sous pression.

En conclusion, l’équilibre entre surveillance parentale saine et abusive est difficile à trouver en tant que parents d’un enfant diabétique, dont on ne souhaite que la santé et le bien-être. Il est cependant fondamental de garder à l’esprit que l’enfant doit appendre à gérer lui-même son Diabète, et doit avoir l’espace et la possibilité d’expérimenter, décider et de s’approprier son Diabète, même si cela nécessite une étape ou une transition chaotique. L’important est de ne pas couper le dialogue et favoriser la communication positive, de façon à ce que le jeune patient comprenne les enjeux de son Diabète et de sa santé, et reprenne les rennes avec brio.

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