Skinny Gly, kézako ?

On peut les croiser partout. Dans les commentaires sur les réseaux sociaux, et même en MP sur Instagram, alors que vous n’aviez rien demandé.
Insaisissables et souvent inoffensifs au premier abord, ils attendent le moment opportun pour attaquer.
Certains DT1 se hissent sur leur courbe lisse comme sur un piédestal, et regardent les autres de haut. Parce qu’ils « contrôlent mieux », et sont en « meilleure santé », pensent-ils. Ils se complaisent dans un ultra contrôle et recherchent une validation en poussant les autres à les joindre.
Je l’appelle la Skinny Gly. Cette tendance toxique qui glorifie la maîtrise absolue du Diabète… et juge ceux qui osent vivre autrement. Je vous propose ici d’analyser ensemble cette étrange espèce. Parce qu’il est temps d’en parler, pour les reconnaître, et passer notre chemin afin de nous protéger.


« Skinny gly » ?
Le parallèle avec le Skinny Tok
Sur TikTok, le #SkinnyTok est une tendance bien connue. Des vidéos de corps filiformes glorifiés, de « what I eat in a day » à base de trois myrtilles et une cuillère de yaourt, avec en bonus des commentaires charmants du type « si t’es pas capable de te contrôler, t’as ce que tu mérites », « tu n’es pas moche, tu es juste grosse ».
Vous l’aurez compris, un discours violent, hiérarchisant : les maigres sont au sommet, les autres doivent se taire et se cacher. Comme si la beauté ne concernait pas tous les corps. Comme si nous devions mériter d’exister. Une folie acceptée par les standards et attentes superficielles de notre société.

Les dérives du bien-être dans le Diabète
Et bien dans notre monde à nous, celui du Diabète, nous avons une version similaire. Je l’ai appelée : la Skinny Gly.
Pas de corps filiformes ici, mais des courbes glycémiques lisses.
On retrouve l’apologie du low carbs, de l’IG bas comme s’il s’agissait d’une hygiène de vie (c’est un outil, on le rappelle), et la suppression de toute forme de flexibilité ou de souplesse.
Et toujours cette même dynamique : Si tu n’as pas de courbe parfaite, c’est que tu ne fais pas assez d’efforts. Donc tu ne mérites pas d’aller bien. D’ailleurs, le veux-tu vraiment ?
La Skinny Gly n’est pas une histoire de soin, ni de stratégie. Et cet article n’est pas une critique envers celles et ceux qui choisissent d’adapter leur mode de vie pour trouver leur équilibre. C’est une dénonciation de la violence morale déguisée en bienveillance.
👉 Ceux qui imposent leur hygiène de vie comme un absolu.
👉 Ceux qui se sentent légitimes à juger la tienne.
👉 Ceux qui, derrière le masque du conseil, t’envoient une bonne dose de honte à digérer (sans glucides bien sûr).
Voilà pourquoi j’ai choisi ce nom. Parce qu’il fallait nommer ce glissement toxique. Et l’identifier, pour ne plus le subir sans comprendre.
Skinny gly vs Perfectionniste
À ne pas confondre avec les Perfectionnistes
Il faut remettre les choses à leur place : vouloir éviter les hyperglycémies et chercher un certain équilibre, ce n’est pas un problème. C’est même souvent une forme de survie mentale dans un quotidien aussi exigeant que celui du Diabète de type 1.
Il arrive d’ailleurs fréquemment que des DT1 témoignent que leur diagnostic les a finalement poussé à prendre davantage soin d’eux.
Certaines personnes choisissent de structurer leur vie autour d’un objectif glycémique très précis. Elles adaptent leur alimentation, leur rythme, leurs relations sociales parfois, pour se sentir mieux dans leur gestion. On appelle cela du perfectionnisme, et ce n’est pas une insulte.
Le Perfectionniste n’est pas dans la démonstration. Il sait pourquoi il fait ce qu’il fait. Il connaît ses limites, ses fragilités. Il sait que cette rigueur lui permet de se sentir plus en sécurité, de vivre plus sereinement dans un monde où le flou glycémique peut être un véritable enfer mental.
Mais surtout, il ne se pense pas supérieur (ou alors c’est juste un Perfectionniste débile).
Il sait ce qu’il traverse, et il a suffisamment de recul pour comprendre que d’autres traversent autre chose.
Il peut lire des témoignages de personnes en pleine détresse avec leur Diabète, compatir, écouter, sans répondre : « Tu n’as qu’à faire comme moi. »
Le Perfectionniste ne méprise pas les autres parcours. Il n’est pas dans l’égo, mais dans la stratégie. Il ne cherche pas à évangéliser. Il fait au mieux avec ses propres ressources, et il respecte que d’autres fassent différemment.
Le souci, ce n’est donc pas le contrôle en soi.
Le souci, c’est quand ce besoin de contrôle se transforme en système de valeurs. Quand on hiérarchise les patients selon leurs courbes. Quand on commente, sans avoir été sollicité. Quand on suppose que celui ou celle qui fait autrement est « laxiste », « pas assez investi.e », « dangereux.se ».
C’est là que le perfectionnisme glisse…et devient de la Skinny Gly.

Une espèce fragile sous une carapace dure
Autopsie d’un Skinny Gly
La Skinny Gly n’est pas née d’un excès de confiance. Elle naît souvent d’un excès de peur. Peur de l’échec, peur des complications, peur du flou. Et dans une maladie aussi exigeante que le Diabète de type 1, cette peur est légitime.
Alors on compense.
On structure. On calcule. On anticipe. On se construit une forteresse faite de règles strictes, de protocoles millimétrés, d’horaires fixes et de recettes propres. Parce que dans un monde où tout peut basculer à cause d’un détail invisible, cette rigidité donne l’illusion d’une sécurité.
Mais c’est une sécurité conditionnelle. Fragile.
Une sécurité qui repose sur l’idée que tout peut, et doit, être maîtrisé. Et surtout, que toute variation est une menace.

C’est ainsi que certaines personnes finissent par ne plus tolérer la simple idée qu’un autre patient puisse faire autrement. Manger sans peser. Ne pas bouger pour éviter les hypers post-prandiales. Lâcher prise, se rater, parfois. Et… vivre quand même.
Cette différence devient insupportable. Parce qu’elle remet en question un système de croyances qu’on a mis tant d’énergie à construire. Un système où « je contrôle = je fais bien ». Et si « l’autre fait différemment » mais va bien quand même… alors « est-ce que je fais tout ça pour rien ? »
Ce doute est vertigineux.
Alors on contre-attaque : on juge. On méprise. On impose.
Non pas parce qu’on est plus fort, mais parce que la simple existence d’un autre chemin menace la cohérence du nôtre.
La Skinny Gly a besoin de validation et de valorisation.
Et elle l’obtient en tentant d’écraser les autres voix, où en se confortant auprès de personnes qui vont confirmer que ce qu’ils font est super.

Skinny Gly, une espèce dangereuse ?
Culpabilité, honte et repli sur soi
Une attaque surprise d’un·e Skinny Gly laisse rarement indifférent. Vous étiez venus chercher du soutien ou des conseils auprès de la communauté des diabétiques, et vous voilà avec une tarte dans la gueule.
Une des raisons pour laquelle nous sommes sensibles à ces attaques est que le sujet de la santé nous touche tous. Personne ne se réjouit de vivre avec un Diabète mal équilibré. Il en va de notre survie, après tout.
En transférant leurs insécurités et peurs sur nous, nous en venons à remettre en question notre gestion du Diabète. Nous réévaluons nos priorités et réfléchissons à la pertinence de faire plus d’efforts ou même de sacrifices.

Dans cette logique toxique, l’hyperglycémie devient un aveu de faiblesse. Les plaisirs sucrés ? De l’inconscience. Un ressenti difficile ? Une excuse. Et l’erreur… une faute.
Le regard Skinny Gly porté sur les autres ne laisse aucune place à la nuance, ni à la complexité de nos vécus. Il ignore les maladies mentales, les troubles du comportement alimentaire, la fatigue chronique, les douleurs invisibles, le surmenage, les traumatismes, les parcours de vie… tout ce qui fait qu’on ne peut pas tous tout maîtriser. Tout le temps. Tous les jours.
Tout ce qui fait que chacun trouvera un équilibre différent entre contrôle, plaisir de vivre et imprévus.
Et ce regard-là peut faire mal.
Car il isole. Il culpabilise. Il décourage. Il pousse certains à ne plus oser parler de leur Diabète. À cacher leurs galères. À se taire plutôt que de risquer le jugement d’un « meilleur patient ».
Ce climat toxique n’élève personne. Il asphyxie.
Mais un monde où l’on ne peut plus dire « je galère » sans se faire corriger, ce n’est pas un monde qui soigne. C’est un monde qui exclut.
Les dessous de la Skinny Gly
Dans l’univers du Diabète de type 1, la frontière entre rigueur et trouble du comportement alimentaire est plus fine qu’on ne l’imagine (TCA). Et elle est trop souvent franchie, sans même qu’on s’en rende compte.
Les personnes qui glorifient le contrôle absolu, celles qui prônent la Skinny Gly, souffrent très souvent, elles-mêmes, d’un rapport troublé à la nourriture, à leur corps ou à la maîtrise.
Mais dans ce monde où le « contrôle » est valorisé, ces dérives passent inaperçues… voire sont applaudies.
Rappelons-nous cependant que derrière ces gestes « modèles », il y a souvent un mal-être profond, un besoin compulsif de tout cadrer pour ne pas s’effondrer.
Et ce mal-être, au lieu d’être entendu, se transforme en un discours normatif, culpabilisant… qui fait des dégâts.
Pour ma part, c’est là que mon empathie s’arrête.
Protégeons-nous
La raison pour laquelle je fais cet article, c’est que ces discours nous font du mal. À force d’être exposé·e à cette pression constante, « tu devrais », « t’as qu’à », « c’est pas si compliqué », on finit par croire qu’on est nul·le.
On se juge, on s’en veut, on redouble d’efforts. On commence à restreindre. On anticipe tout. On supprime les aliments « à risque ».
On évite les repas imprévus. On se méfie du gras, du sucre, des féculents. On calcule, on compense, on s’épuise.
Et parfois, on bascule. En plein dans les TCA.
Dans des mécanismes de contrôle extrême qui n’ont plus rien à voir avec la santé, ni mentale, ni physique. C’est très long après pour en sortir…
Lorsque vous avez des doutes sur certaines pratiques ou conseils, soyez vigilants et critiques : aujourd’hui on ne peut pas faire confiance aux pseudo experts sur les réseaux… (sans parler de ceux qui n’ont aucun scrupules, beaucoup sont simplement mal informés ou aveuglés par leur peurs et insécurités)
Entourez-vous de bons professionnels de santé. Ceux qui sont véritablement formés. Ceux qui savent lire une étude, et analyser sa crédibilité (Et oui, je sais que c’est parfois dur de les trouver, mais la Commu est aussi là pour partager les pépites).
Prenons bien soin de nous !

Diabète & TCA
Les personnes vivant avec un DT1 sont particulièrement vulnérables face aux TCA.
Parce que notre quotidien est fait de chiffres, de données, de corrections. Parce qu’on nous apprend à tout contrôler, sans jamais nous dire quand s’arrêter. Parce que certains discours entretiennent l’idée que la perfection glycémique est non seulement possible, mais attendue.
Or, le vrai équilibre, ce n’est pas l’absence de variation. C’est la capacité à vivre avec. À tolérer un peu de flou, à respirer entre deux courbes, à se respecter sans se surveiller en permanence. Après tout, quel intérêt il y aurait-il à tout avoir sous contrôle si cela nous empêche de VIVRE pleinement ?
Et vous, avez-vous déjà croisé la route d'un Skinny Gly ?
Laissez-nous un commentaire sur Facebook ou Instagram !