Le Diabète, au centre de tout ?

Quand on vit avec un Diabète de type 1, il est souvent au cœur de nos pensées. Entre calculs, anticipations et imprévus, il occupe une place importante. Mais cette place, justement, doit-elle être centrale en permanence ?
Avec Line Dumasdelage, psychologue clinicienne et elle-même DT1 depuis 22 ans, nous avons voulu explorer cette question !
- Pourquoi se concentrer sur le Diabète peut être utile, voire nécessaire au début.
- Pourquoi on a tendance à le garder au centre, parfois plus longtemps qu’on ne le pense.
- Et enfin, quand cela devient un frein à notre bien-être et notre évolution.


Placer son Diabète au centre : un passage souvent nécessaire
Comprendre, observer, apprivoiser
Quand le diagnostic tombe, il bouleverse tout. Ce qui était inconnu devient une présence incontournable. Et comme face à un animal sauvage, il faut d’abord observer, comprendre ses mécanismes, apprendre à cohabiter avant d’envisager une coexistante pacifique.
Cette période est souvent accompagnée d’une colère profonde. Contre le Diabète lui-même, contre l’injustice de cette maladie, contre les efforts à fournir chaque jour pour un résultat jamais garanti.
Comme l’explique Line, cette colère est légitime et essentielle. Elle fait partie du processus de deuil d’une vie sans contraintes, et la traverser est une étape clé pour ne pas rester bloqué·e dans le rejet ou le déni.
Cette phase où le Diabète devient l’objet de toute notre attention est essentielle. Il faut intégrer les notions clés, apprendre le langage du DT1 :
- Identifier les signes d’une hypo ou d’une hyper
- Comprendre les effets de l’insuline, de l’alimentation, du stress et du sommeil
- Expérimenter et décoder les réactions de son propre corps.
Cet apprentissage intensif est indispensable pour prendre confiance en soi et ne plus subir le Diabète. Plus on l’intègre, plus il devient intuitif, et plus on récupère de l’espace mental.
Une réponse à un besoin de maîtrise et de reconnaissance
Se plonger à fond dans son Diabète, c’est aussi une manière de reprendre le contrôle.
Quand une maladie impose ses règles, on a besoin de se réapproprier son corps en comprenant ce qu’il traverse.
Se sentir compris et soutenu
Le besoin de reconnaissance est aussi primordial dans cette phase. Une maladie invisible est une maladie qui nécessite d’être expliquée.
On parle beaucoup de notre DT1 pour légitimer ce que l’on traverse, pour que les autres comprennent l’épuisement, les montagnes russes, la charge mentale.
Et puis, il y a les autres DT1. La communauté, ce réconfort précieux où l’on peut partager nos galères, nos astuces, nos victoires. Vérifier qu’on est « normal » au sein de ce groupe.
L’échange permet de briser la solitude et de trouver des repères.
Avec l’explosion des réseaux sociaux, les espaces d’échange entre diabétiques se sont multipliés. Cela a permis de partager nos expériences, de nous reconnaître dans les autres et de trouver du soutien.
Échanger avec d’autres DT1 permet de se sentir moins seul·e, de valider nos ressentis et de confronter nos expériences :
- Est-ce normal d’avoir peur des hypos ?
- Est-ce normal d’être épuisé tout le temps ?
- Est-ce normal d’en avoir marre parfois ? […]
La reconnaissance mutuelle et les conseils partagés jouent un rôle clé dans l’acceptation de la maladie. Mais jusqu’où est-ce sain ?
Quand le Diabète devient un refuge, un bouclier
Un exutoire pour exprimer nos frustrations
Le Diabète est une contrainte imposée, omniprésente, injuste. Il est donc logique que, lorsque quelque chose ne va pas, on le rende responsable.
« Je suis fatigué.e ? C’est à cause de mon Diabète. »
« Je n’arrive pas à faire telle activité ? C’est la faute à mes glycémies instables. »
Parfois, c’est vrai. Mais parfois, ce n’est qu’une partie de l’explication.
Le Diabète est une sphère parmi tant d’autres. Il impacte nos vies, mais il ne détermine pas tout. La fatigue peut aussi venir d’un rythme trop soutenu, d’une anxiété latente, d’un manque de sommeil.
En mettant tout sur son dos, on passe à côté de solutions qui pourraient améliorer notre bien-être global.
Le Diabète peut masquer des fragilités préexistantes
Le cas des TCA (Troubles du Comportement Alimentaire) est très parlant. Le Diabète de type 1 impose une relation particulière à la nourriture, qui peut accentuer ou révéler des difficultés préexistantes. Mais la cause profonde des TCA ne vient pas du DT1 lui-même : elle est souvent plus ancienne, plus ancrée.
Idem pour l’anxiété, le besoin de contrôle, la peur de l’imprévu. Ce sont des éléments qui peuvent être exacerbés par le Diabète, mais qui existaient déjà.
Prendre du recul permet d’identifier ce qui relève du DT1 et ce qui est lié à d’autres enjeux personnels.

L’illusion du contrôle et la fatigue du perfectionnisme
Rêver d’une courbe glycémique parfaite, c’est comme vouloir être un pancréas en CDI 24/7, sans jamais faillir.
C’est impossible et ingrat.
Le risque ? Une charge mentale épuisante, une rigidité qui devient contre-productive, et parfois même un burnout diabétique.
Le besoin de desserrer l’étau
Garder le Diabète au centre de tout, tout le temps, c’est finir par ne plus voir que lui. On alimente un cycle infernal de stress, de pression et de culpabilité, qui peut mener à l’isolement, la frustration et une vision limitée de la vie.
Apprendre à lui donner sa place, sans qu’il prenne toute la lumière, c’est aussi retrouver de l’air, de la souplesse, du plaisir.
Conclusion : Trouver son propre équilibre
Mettre le Diabète au centre n’est pas un problème en soi, c’est même une étape souvent nécessaire. Mais si cette phase devient permanente, envahissante, ou limitante, alors il est peut-être temps de réévaluer la place qu’on veut lui donner.
Le Diabète peut être un espace d’appropriation, de souplesse et de créativité. Lorsqu’il cesse d’être un alibi, il devient un élan vers autre chose.
Et vous, où en êtes-vous avec votre DT1 ?
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Line DUMASDELAGE
Psychologue clinicienne depuis 20 ans et DT1 depuis 22 ans, je me suis dit que mixer les deux pouvait être intéressant. J’ai choisi de développer une spécialité « diabète ».
L’annonce de la maladie est un choc qui n’est pas toujours simple à dépasser. La gestion du diabète est un effort plus ou moins important selon qui nous sommes, à quelle période de notre vie nous sommes, le cheminement que nous avons parcouru depuis l’annonce. Toutes ces périodes peuvent être sensibles et amener saturations, doutes, et épuisement.
Un accompagnement peut être bénéfique !