Couverture 2023
spécialeL’ISPAD est un congrès professionnel autour du Diabète. Ayant rejoint le programme des Dedoc Voices, qui permet aux patients de faire porter leurs voix durant ces grands événements (« Nothing about us without us »), j’ai eu la chance d’assister aux conférences et ateliers.
Diabète & DIY
Mon 4ème article spécial ISPAD est dédié au DIY ! Un sujet passionnant que je suis ravie d’avoir écouté lors d’une conférence à l’ISPAD. Alors qu’est-ce qu’une Boucle Fermée DIY ? Connaissez-vous l’Open Source ? Et qui sont ces DT1 qui s’aventurent hors des sentiers battus ?
Il n’est pas ici question de vous convaincre de passer au DIY, mais bien de vous informer sur son existence. Cet article s’appuie d’ailleurs sur une conférence professionnelle, qui avait pour but non pas de promouvoir le DIY, qui n’est pas adapté pour tout le monde et illégal dans beaucoup de pays, mais bien de sensibiliser et d’informer les professionnels de santé à son égard.
Katarina Braune
Le Dr. Katarina Braune est une Pédiatre et Diabétologue allemande certifiée, spécialisée dans la santé numérique, les soins interdisciplinaires et centrés sur le patient, avec une vaste expérience en consultation et en défense des patients.
Vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’elle est elle-même diabétique de type 1 depuis plus de 20 ans.
(D’ailleurs, sachez que la plupart des professionnels de santé DT1 sont… en DIY les amis, et oui !)
L’ère des Boucles Fermées
Les capteurs de glycémie et les Boucles Fermées représentent une avancée majeure en matière de technologie et d’amélioration de la qualité de vie des patients vivant avec un Diabète. La Boucle Fermée, BF pour les intimes, est un système automatisé qui ajuste automatiquement la dose d’insuline en fonction de la glycémie prélevée par le capteur, grâce à l’administration d’insuline via une pompe à insuline. Cette automatisation est permise grâce à un algorithme, et parfois une IA (Intelligence Artificielle) selon le système.
Fonctionnement du système de santé en France
En France, la création d’un dispositif médical passe par plusieurs étapes, notamment celle des études cliniques pour évaluer son efficacité et sa sécurité. Une fois ces étapes franchies, le produit peut obtenir le marquage CE, ce qui autorise sa commercialisation en Europe. Cependant, l’éventuel remboursement en France par la Sécurité Sociale est un processus administratif long et fastidieux, ce qui explique le retard systématique de la sortie de nos innovations par rapport aux États-Unis, par exemple.
DIY : Quesako?
L’histoire de l’Open Source et du DIY remonte à une communauté de personnes vivant avec le DT1 et à leurs proches qui, confrontées aux limitations des systèmes traditionnels d’administration d’insuline, ont décidé de prendre les choses en main.
Leur crédo : « We are not waiting » (Nous n’attendons pas).
Le mouvement Open Artificial Pancreas, lancé par Dana Lewis et Scott Leibrand avec leur système OpenAPS, a été l’un des pionniers de cette approche. Depuis lors, d’autres initiatives telles qu’AndroidAPS de Milos Kozak et Loop (compatible avec les appareils iOS), ont également vu le jour, élargissant les options disponibles pour la communauté du DT1. Un grand nombre d’ingénieurs et personnes brillantes se sont depuis ralliés à la cause de la communauté OpenAPS, contribuant ainsi à faire évoluer les algorithmes en permanence.
Les progrès dans le domaine de l’Open Source vont souvent plus vite que les systèmes commercialisés, car ils ne sont pas soumis aux études cliniques préalables.
Il existe cependant de nombreuses études cliniques effectuées sur les systèmes de DIY, notamment dans le but d’assouplir la législation, et de démystifier ce système encore trop inconnu aux professionnels de santé.
Comment fonctionne le DIY ?
Pour construire leur Boucle Fermée, puis installer et configurer l’application, les utilisateurs peuvent suivre un guide complet prévu à cet effet, étape par étape. Bien que le processus puisse sembler complexe, de nombreuses ressources d’aide et de supports sont disponibles en ligne pour aider les utilisateurs tout au long du processus. Il existe également des groupes Facebook d’entraide.
On compte deux principaux systèmes de DIY : Sur Android (Open APS et Android APS), et sur IOS (Loop). Chaque système comprend ses capteurs et pompes compatibles, mais de manière générale, le DIY offre bien plus d’inter-opérabilité que les systèmes commercialisés.
Pourquoi certains patients choisissent-ils une Boucle Fermée DIY ?
Plusieurs facteurs motivent les patients à opter pour des Boucles Fermées DIY. Tout d’abord, l’accessibilité du DIY est inégalée, car il est disponible pour quiconque a accès à Internet.
Rappelons que les Boucles Fermées commercialisées nécessitent souvent un diabétologue bien formé ainsi que des places dans un hôpital formateur agréé. Cela peut être long et fastidieux. De plus, la plupart des remboursements stipulent une HBA1C supérieure à 8%, ce qui exclut injustement les patients équilibrés (mais souvent à la charge mentale à peine supportable).
En plus d’être accessible et rapide à mettre en place, le DIY offre souplesse et personnalisation, répondant aux besoins individuels des utilisateurs (cibles glycémiques sont 100% personnalisables, utilisation de SMB : micro-bolus, etc.).
Selon les profils, cela peut faire toute la différence, et améliorer considérablement la qualité de vie.
Quand les parents se lancent dans le DIY
Hormis les avantages énoncés plus hauts, le DIY plaît de plus en plus aux parents pour sa facilité de suivi. En effet, les boucles DIY ont depuis longtemps intégré le besoin des accompagnants à surveiller la glycémie de leur enfant depuis un téléphone. Si cette option existe aujourd’hui sur certains systèmes de Boucles Fermées commercialisées, ce n’est pas le cas de l’option sacrée des administrations de bolus à distance. Oui, il est possible sous DIY d’administrer de l’insuline à distance. Il s’agit là d’une option très appréciée dans le cas des enfants qui ne sont pas encore autonomes.
L’avis des professionnels de santé
Les professionnels de santé sont souvent divisés en ce qui concerne le DIY dans le diabète. Certains reconnaissent les avantages potentiels en termes de flexibilité et de personnalisation, tandis que d’autres soulignent les risques associés à l’utilisation de dispositifs non réglementés. Les laboratoires et prestataires de santé peuvent également percevoir le DIY comme une menace pour leur modèle commercial, ce qui peut conduire à des réactions négatives à l’égard de cette approche.
On entend souvent comme argument que le système est considéré comme dangereux par les hautes instances de santé.
On notera cependant que contrairement à ce cela laisse entendre, il n’existe à ce jour qu’un seul signalement au sujet du DIY, et il ne concerne même pas le DIY en tant que tel :
En 2019 la FDA a déposé une plainte concernant le cas d’un patient mis en danger sous DIY. Mais ce dernier utilisait le capteur FSL 2, qui n’était pas du tout prévu ni approuvé dans la documentation officielle de la communauté DIY. Il s’agit donc d’un cas isolé, et non représentatif de la pratique.
https://www.fda.gov/news-events/press-announcements/fda-warns-against-use-unauthorized-devices-diabetes-management
On pourrait d’ailleurs se poser la question suivante : le Diabète n’est-il un DIY par définition ? Le risque est omniprésent dans sa gestion, surtout sans l’aide précieuse d’un algorithme. Si on continue sur cette logique, qu’est-ce que la sécurité ? (cf. visuel ci-dessous)
Et la loi dans tout ça ?
En France, les professionnels de santé qui accompagnent des patients en DIY peuvent être exposés à des risques juridiques. Cela complique le dialogue entre diabétologues et patients.
En conséquence, certains DT1 omettent de préciser « ce petit détail », par crainte des répercussions légales pour leur médecin, mais aussi leur droit au remboursement en cas de signalement. D’autres se voient même refuser un accompagnement.
De telle issues vont pourtant à l’encontre de l’objectif premier qui était de « maintenir la sécurité des patients ».
C’est pourquoi des études cliniques sur les dispositifs DIY sont en cours dans divers pays, y compris en France, et qu’un consensus international émergent vise à sensibiliser et à informer les professionnels de santé sur ces dispositifs. L’objectif étant de les aider à mieux accompagner les patients qui choisissent d’utiliser des solutions DIY, en leur fournissant des informations précises sur les avantages et les risques associés à ces dispositifs, ainsi que sur les meilleures pratiques pour assurer la sécurité et l’efficacité de leur utilisation.
Je vous propose de terminer cet article par la superbe phrase du Dr. Lenka Drnkova (Petruzelkova) :